Impossible dans l’avion d’ouvrir mon ordinateur pour écrire mon dernier article. Les dernières heures avec Simon ont été trop éprouvantes et les larmes coulaient encore pendant les longues heures de vol qui me ramenaient en France.
Pour ne pas penser à la séparation nous avons passé notre dernière journée sur une île au large de Perth, Rottnest Island. Nous avions perdu l’habitude de voir un lieu aussi peuplé de touristes. Nous avons fait du vélo, de la plongée sous-marine et nous avons rencontré d’adorables créatures, des quokkas.
Ça fait maintenant cinq jours que je suis rentrée. Les larmes se font plus rares et les retrouvailles avec mes proches me permettent de ne pas trop penser à la vie trépidante que j’ai menée ces derniers mois.
Il est temps pourtant de mettre un point final à cette belle aventure. Faire le bilan n’est pas un exercice facile. Par où commencer ? Comment ne rien oublier ?
Avant tout peut-être, je devrais sûrement m’excuser pour toutes les fautes d’orthographe qui ont du faire mal aux yeux et grincer des dents. Cette année à l’étranger ne m’aura pas rendue moins étourdie.
Cette décision de partir fut l’une des plus importantes de ma vie. Je n’ai absolument aucun regret de l’avoir fait et je pense même que quelque chose a changé en moi.
Je suis fière d’y être parvenue. Vivre tant de choses différentes en un an fût tellement enrichissant. J’ai le sentiment d’avoir acquis plus de confiance en moi en m’ayant prouvée que j’en ai été capable.
J’ai moins peur d’affronter des difficultés de la vie. J’ai envie de ne plus dramatiser à la moindre contrariété. D’arrêter de m’imposer des choses contraignantes et de laisser libre cours à mes envies.
Ce voyage a donné un sens à ma vie. Voyager, découvrir, comprendre, apprendre, en un an j’ai eu l’impression d’évoluer plus qu’ en 5 ans de vie à Paris. Avant de partir en Australie, j’étais stressée, j’avais des crises d’eczéma, je n’arrivais pas à dormir en pensant à l’année qui m’attendait. De l’Australie, j’ai vécu la même chose en repensant à mon retour en France. S’enfermer dans un bureau et y passer la journée alors qu’il y a tellement de belles choses à découvrir dehors. C’est sûrement ce que j’appréhende le plus et j’espère que mes chers collègues supporteront mon regard absent vers la fenêtre et mes longs soupirs nostalgiques.
Au moins, mon retour est confortable. Je n’ai pas besoin de faire ce que j’ai le moins aimé en Australie : chercher du travail. J’ai la chance de retrouver un emploi mieux payé et plus stimulant que la plupart des petits jobs qu’on est amené à faire en Australie.
Au final tout ce sera parfaitement orchestré.
En France d’abord, avec l’acceptation sans encombre de mon congé sabbatique. Pas besoin aussi de courir partout dans Paris à la recherche d’un appartement. Je retrouve le confort de mon petit studio que j’ai réussi à sous-louer.
En Australie, où j’ai réussi à trouver des moyens pour être logée gratuitement. J’ai trouvé des compagnons de route pour partir en road trip dans le centre rouge. J’ai trouvé du travail. J’ai vécu en colocation avec des australiens. Je suis montée a cheval. J’ai vu à quoi ressemblait le travail à la ferme. J’ai fait de magnifiques rencontres. J’ai vécu une belle histoire avec un australien. J’ai profité de la proximité avec certains autres pays pour y faire quelques excursions. J’ai progressé en anglais. J’ai vu des paysages magnifiques. J’ai vécu à la ville, j’ai vécu à la campagne. J’ai fait du surf et de la plongée sous-marine. J’ai eu l’occasion de faire pleins de choses diverses et variées sans jamais avoir eu le sentiment de rencontrer le moindre obstacle.
Mon niveau d’anglais est meilleur qu’avant. Certes je ne rêve pas en anglais, j’ai parfois du mal à comprendre quand on me parle, je fais encore beaucoup d’erreurs, j’ai souvent besoin de penser en français avant de parler en anglais mais au moins j’arrive à parler de tout. Les derniers mois avec Simon ont été déterminant dans ma progression.
A la question n’étais-je pas trop vieille pour faire un working holiday visa en Australie quand la moyenne d’âge tourne plutôt autour de 25 ans ? Je répondrais que même si je me suis sentie parfois franchement en décalage avec les délires adolescents de beaucoup d’entre eux, j’ai aussi été particulièrement impressionnée de rencontrer certains jeunes particulièrement matures. Bien plus que je n’aurais pu l’être à leur âge. Les années ne font parfois aucune différence. Enfin, à 31 ans on a souvent plus d’argent qu’à 21. Mes économies, contrairement à beaucoup de gens rencontrés, m’ont permis de ne jamais connaître de moments difficiles.
Les deux seuls choses restées un peu en suspend furent de ne pas avoir fait le tour complet de l’Australie et de n’avoir pas été plus en contact avec les communautés aborigènes. La plus grosse déception, découvrir l’une des plus belles plages du monde, les Whitsundays, sous la pluie.
Les meilleurs souvenirs seraient trop long à tous énumérer, et j’en oublierais sûrement. Beaucoup de petits plaisirs simples : me baigner dans l’océan bleu et chaud à Byron bay ; rentrer en vélo en plein milieu de la nuit, sous l’air doux de Melbourne sans un chat dans les rues après une soirée un peu arrosée ; partir à trois en pick-up explorer les magnifiques paysages de la péninsule de Fleurieu ; être en haut de Kings Canyon avec pour seul bruit le chant d’un oiseau qui fait écho dans les ravins ; parcourir en 4×4 des routes de terre en traversant les épaisses rainforest que seuls les rayons du soleil peuvent pénétrer ; se sentir minuscule au pied d’Uluru et s’ébahir devant l’immensité d’un si grand rocher ; courir seule sur d’immenses plages presque désertes ; caresser des raies pastenagues qui viennent curieuses, rencontrer les humains au bord de l’eau … Tellement de petits moments incroyables.
Ce fut aussi l’occasion de faire des choses que je n’aurais jamais pensé faire : conduire un tracteur, tenir un serpent et un bébé crocodile, dormir seule dans une tente en plein bush, monter à cheval pour rassembler un troupeau de vaches, conduire un 4×4 sur une plage immense, travailler dans une pâtisserie, récupérer le miel dans une ruche…
Je vais espérer très fort que Paris ne m’engloutira pas. Essayer de garder le sourire quand tout le monde fait la gueule, parler à mes voisins, ne plus être sur la défensive si un inconnu me parle, soigner mon hygiène de vie, rendre service si je le peux et ne plus vivre dans l’uniformité.
J’essayerai maintenant d’apprécier chaque bon moment de la vie. Et si par malheur Paris me rattrape, je repenserais à l’Australie.